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L’ARTISANAT & L’ÉCONOMIE
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Artisanat
Retour sur l’histoire ancienne
Les historiens de l’histoire socio-économique (Weber en 1909 et Rostovtseff en 1926),
définissent l’artisanat comme la production d’objets manufacturés à partir de matières
premières, dans laquelle l’individu concerné, l’artisan, vit de son travail.
Ils n’étaient pas toujours bien considérés (« Artisans, boutiquiers, avant Jésus-Christ, Cicéron, comme Sénèque, étaient les
et tout ce bas-fond des villes » écrivait Cicéron) ; on leur tenants d’une classe dirigeante supérieure, part infime de la
reconnaissait bien peu d’utilité sociale et surtout intellectuelle : société romaine, qui se considérait comme l’humanité. Rien de
« Les arts vils et qui se donnent pour tels, les métiers purement moins.
manuels contribuent eux-mêmes grandement au confort de D’autres auteurs glorifiaient le travail, tel Pétrone, poète latin
l’existence ; ils n’ont cependant rien de commun avec la vertu. du temps de Néron : « C’est une grande chose que le travail.
Les arts se divisent suivant Posidonius en quatre catégories : Les gens du métier sortent avec les outils de leur état et ils
arts vulgaires et infimes (vulgares et sordidae), arts éducateurs, en sont fiers. Le tisserand, le teinturier, le scribe : tous sont
arts libéraux. Les premiers sont l’affaire de l’artisan ; purement fiers de leur profession ».
manuels, ils ne visent qu’à l’aménagement matériel de C’est donc bien une vision de classe qui habillait les regards
l’existence ; ni les bienséances morales, ni la considération de portés sur les métiers sous l’Empire romain. En Grèce, les
l’honnêteté ne les inspirent à aucun degré » écrivait Sénèque. distinctions sociales étaient moins affirmées et l’artisan fut
considéré comme un « héros secret de l’histoire grecque »
Des conceptions philosophiques contestées tant il était méritant mais méprisé et occulté (d’où le secret).
En Gaule, on constate une proportion de petits artisans libres
Cependant, certains commentateurs ne manquent pas d’indiquer plus importante qu’ailleurs. Ils forment assez rapidement des
que ces conceptions dévalorisantes ne sont pas à attribuer petites unités artisanales qui restent indépendantes des grands
aux contemporains des artisans cités, mais relèvent d’une propriétaires fonciers. C’est à cette époque que se formèrent
pensée située du côté des classes aisées. Pour elles, l’artisan deux catégories d’artisans : l’artisanat de proximité et l’artisanat
faisait partie de la « plèbe », du peuple, et non de l’élite composée de masse dédié aux produits fabriqués en série. Mais le travail
des sénateurs et chevaliers. Les artisans étaient donc esclaves, manuel reste méprisé au point que, en période de crise
affranchis, ouvriers ou artisans libres. Quelques décennies démographique, un manque de main-d’œuvre se fait sentir.
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