Page 11 - La Rumeur 2-3 Estelle Forest-David
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G souviendrai toute ma vie!...Je l'ai toujours admirée et
esticulant au milieu d'un long couloir du
aimée.
C.H.U.S., debout face à la rangée de patients
assis, attendant leur tour, les bras au ciel, il
expliquait comment, après une chute du haut
d'un grand arbre qu'il avait la tâche d'abattre, il se -Au fait, pourrais-je savoir votre nom?
retrouvait maintenant, encore en vie, et bien vivant. -Je m'appelle René Malenfant.
Toutes les côtes enfoncées, inconscient, paralysé, tout le
monde le croyait perdu. -Vous souvenez-vous toujours du nom de votre
maîtresse d'école?
Je m'approchai pour reprendre ma chaise d'attente. Il
poursuivit son discours. Sans trop d'espoir, les médecins -Bien sûr!. C'était mademoiselle Marie-Rose
l'avaient installé dans une chambre, branché sur un réseau Lévesque, la fille à "Monsieur Pit".(1)
impressionnant de fils, de
tubes et tout un arsenal
d'appareils bizarres, pour Rencontre
lui maintenir le reste de
vie qui l'animait encore.
fortuite...
Au troisième jour,
lorsque son frère vient à
son chevet pour l'assister
dans les derniers moments de sa vie, il reprend conscience
un instant et parvient à remuer suffisamment les doigts -Savez-vous à qui vous parlez en ce moment?
pour signifier qu'il veut écrire quelque chose. Puis, dans
un immense effort, sur le papier qu'on lui tend, il -Non!… Pourquoi?
griffonne maladroitement : "JE SUIS ENCORE
VIVANT ! " et il retourne au pays de l'inconscience… -Mon nom est Gérald Lévesque, le frère cadet de
Marie-Rose, un fils de monsieur "Pit", comme vous dites!
Ainsi, il s'accrochera à la vie avec l'énergie, le
courage que lui donne l'espérance de Après une chaleureuse poignée de main, la vraie
vivre. Il était là, fier de pouvoir conversation s'engagea, et ne serait peut-être pas encore
témoigner en faveur de la Vie, après terminée; seulement, c'était mon tour d'entrer en
avoir vécu une expérience fantastique consultation avec mon médecin……
dont il sortait totalement renouvelé.
Dans un article ultérieur, je vous parlerai de cette
J'entrepris alors de le questionner institutrice que fut ma sœur aînée qui a connu Laure
pour en savoir davantage à son sujet. Gaudreau au cours de ses quarante-deux ans
J'avoue que ma tâche fut facile car, d'enseignement…
souvent ses réponses précédaient mes
questions. Natif de Saint-Arsène (comté de Rivière-du- (1) Depuis son enfance, à cause de sa petite taille, mon
Loup), dans les années "30", il a grandi dans le 5ième père Joseph Lévesque, était plus connu sous le sobriquet
rang de la paroisse et fréquenté la petite école du rang de "Monsieur Pit" que de son nom véritable.
jusqu'à sa sixième année. Parti gagner sa vie, il ira
jusqu'à New-York, où il apprendra à se débrouiller en G. Lévesque
anglais. Revenu par la suite à Cabano, il s'engage au
service de la fabrique paroissiale pour abattre de grands
arbres situés trop près de l'église. C'est là que se produit P.S.: Marie-Rose Lévesque, institutrice, fut donc à sa
l'accident. manière la "mère" de très nombreux enfants….
-Comment se fait-il que vous manifestiez un tel
enthousiasme, un tel goût de vivre?
-En plus de l'expérience que je viens de vivre qui m'a
donné toute une leçon, il faut que je vous dise qu'à la
petite école, j'ai eu une maîtresse extraordinaire qui savait
nous faire aimer l'école, et nous faire aimer la Vie. Elle
nous a appris à vivre! Elle nous a donné de bons
principes;… avec elle on a appris à être honnête….À
l'école, la politesse et le respect, c'était la loi. Ah! C'était
une maudite bonne maîtresse d'école!...Je m'en

